Typographie & Civilisation
MyFonts
   
 
Histoire des caractères typographiques
Police de caractères Cheltenham
     

Police de caractères CheltenhamL’histoire de la fonderie typographique américaine remonte à 1796 et l’établissement par deux Ecossais, Archibald Binny et James Ronaldson, d’une fonderie à Philadelphie. Entre cette date et la fin du XIXème siècle, soit une période de près de 180 ans, de nombreux caractères furent produits aux Etats-Unis : le plus remarquable d’entre eux est le Cheltenham.

Caractère Cheltenham, Publicité ATF, 1906 Présentation historique du caractère Cheltenham

Créé originellement comme caractère de labeur pour livres, ce caractère romain qui de par l’uniformité de ses traits se rapproche beaucoup des premiers romains du XVe siècle, est l’œuvre de l’architecte américain Bertram Goodhue. Ce dernier qui travailla pour la revue Chap book avait déjà créé des caractères pour de nombreuses presses privées américaines telles celle de D.B. Updike (Merrymount Press) ou de Edward Burne-Jones (Kelmscott Press).

En 1896, sur une suggestion de Ingalls Kimball de la Cheltenham Press, une autre presse privée, Goodhue créa un caractère à usage privatif qui fut en 1902 racheté par l’American Type Foundry Corp.

En 1915, sous l’impulsion de Morris Benton, l’ATF avait commercialisé près de 22 variations du Cheltenham original. Entre temps, Linotype avait sorti sa version du Cheltenham. Dans la foulée, Monotype en commercialisa 13 versions différentes. En 1920, tous les fournisseurs américains de polices de caractères avaient leur propre version du Cheltenham.

Les fonderies européennes reprirent le Cheltenham en le débaptisant parfois à l’image de la fonderie anglaise Stephenson & Blake avec son Winchester, la Monotype anglaise et le Gloucester ou une fonderie de Dresde et son Pfeil Antiqua.

Description...

Conscient que nous lisons les mots dans leur aspect général plus que dans chacune des lettres qui les composent, Goodhue, élabora en conséquence son Cheltenham. Parce qu’il avait découvert que les mots tenaient leur allure beaucoup plus des hampes que des panses, il n’hésita pas à donner aux premières la primeur sur les secondes. Pour ce faire, il réduisit les jambages inférieurs et allongea les jambages supérieurs, en vertu que la partie supérieure des lettres soit primordiale pour la lecture.

Police de caractères Cheltenham

Il est à noter que l’hypothèse selon laquelle la partie supérieure de la ligne de texte est plus importante que sa partie inférieure semble aujourd’hui confirmé par les recherches récentes sur la netteté des caractères.

On peut par ailleurs que les empattements sont plats et tronqués et l’axe d’inclinaison un tantinet vertical. Le ‘G’ a un spur, sa minuscule une panse ouverte tandis que l’oreille du ‘r’ semble projetée au-delà de la hauteur d’x. Dans sa version italique, le s panses du ‘e’ et du ‘p’ ne sont pas fermées, tandis que ni le ‘p’, ni le ‘q’ ne possèdent d’empattements inférieurs.

... & utilisation

Le Cheltenham ne connut pas tant le succès comme caractère de labeur, mais bel et bien comme caractère publicitaire, en partie parce que l’ATF avait développé de nombreuses variantes du caractère de base.

Il dût également son succès à la controverse qu’il suscita tout au long de la première moitié de ce siècle. Steven L. Watts de l’ATF disait ainsi : « que qualifier en public un homme d’imprimeur Cheltenham [Cheltenham printer] reviendrait à demander à un maître marinier  d’aller acheter une ferme. » Le Cheltenham accompagna également l’explosion des budgets publicitaires et a été utilisé comme une sorte de caractère polyvalent pour la publicité et les travaux de ville (faire-part, cartes de visite) pour les titres et le texte. Il possède encore aujourd’hui une forte connotation américaine. Pour mémoire toutefois et pour relativiser ce propos, la NRF l’a choisie pour la première édition d’A la Recherche du Temps Perdu de Marcel Proust.

Commentaire

Jérôme Peignot trouve le raisonnement théorique sous-jascent au travail de Goodhue dangereux car pour lui: « en matière typographique, plus les raisonnements qui justifient une forme sont brillants, plus ils sont aberrants » (De l’écriture à la typographie, p.127) et il rajoute: « Quant au Cheltenham, il prouve une fois de plus, que l’on ne jongle pas impunément avec les styles. Ce n’est pas parce que l’on ferme ses e qu’on donne à son caractère une allure ‘vieux style’. Ce n’est pas, non plus, parce qu’on allonge les hampes de ses lettres ascendantes qu’on lui donne davantage de personnalité. »