ORS DE SA DECOUVERTE PAR GUTENBERG
VERS 1450, limprimerie fut dabord bien considérée
par lEglise qui y voyait, non sans raison, un moyen
de propagation de la doctrine chrétienne. Berthold
de Henneberg, archevêque de Mayence, ne parlait-il
pas de «lart divin de limprimerie»,
tandis que les Frères de la vie commune de Rostock
voyaient en la typographie, «lauxiliaire de
lEglise».
Dans la chronique allemande de Klhoff de la fin du
XVe siècle, on peut ainsi lire: «Que délévations
vers Dieu, que dintimes sentiments de dévotion
ne doit-on pas à la lecture de tant de livres dont
limprimerie nous a dotés! Que de précieuses
et saintes exhortations se trouvent dans les sermons quon
publie! Quelles grâce Dieu ne fera-t-il pas à
ceux qui impriment des livres ou aident dune façon
quelconque à ce travail». Cet optimisme est
partagé par Adolphe Occo, médecin de larchevêque
dAugsbourg, quand en 1487 il écrivait à
limprimeur Erhard Ratdolt: «Limprimerie
a vraiment illuminé ce siècle, grâce
à la miséricorde du Tout-Puissant (...) Cette
découverte permet [à lEglise] daller
plus richement parée à la rencontre de son
époux.»
LEglise se fit un des promoteurs les plus actifs
de la nouvelle industrie. Des indulgences spéciales
étaient accordées par les évêques
aux imprimeurs et libraires que le théologien Wimpfeling
appelaient les «hérauts de lEvangile,
prédicateurs de la vérité et de la
science».
En Suisse, les premiers imprimeurs sont les chanoines de
Béromunster (1470) tandis que les Bénédictins
et les Chartreux de Bâle sont des soutiens actifs
du grand imprimeur de lépoque Jean Amerbach.
En Allemagne, Les Bénédictins dAugsburg
possèdent une imprimerie à partir de 1472,
ceux de Bamberg dès 1474, ceux de Blaubeuren en 1475...
A Paris, la Faculté de théologie qui fut
par la suite un de ses plus impitoyable censeur, fut un
des promoteurs majeurs de limprimerie. En 1469, deux
savants docteurs de la Sorbonne, le prieur Jean de la Pierre
et le bibliothécaire Guillaume Fichet, avaient appelé
les spécialistes Michel Friburger de Colmar, Ulrich
Gering de Constance et Martin Cranz de Bâle, pour
créer un atelier typographique dans les bâtiments
même de lalma mater. Partout en France, le clergé
prend une part active dans le développement de limprimerie;
on ne compte pas en cette fin de siècle les villes
où des presses nont fonctionné que le
temps de produire pour un usage local, un missel, un bréviaire
ou un livre dheures.
Les premiers imprimeurs italiens, Sweynheim et Pannartz,
danciens assistants de Johann Fust, sont installés
dans le sein même de labbaye bénédictine
de Subiaco, près de Rome (1464). Puis aussitôt,
le cardinal Terrecremata fait venir à Rome Ulric
Hahn dIngolstadt (1466), tandis que la cardinal Caraffa,
fait appel à Georges Laur de Wurzburg (1469). Cest
à Jean de Médicis, élu sous le nom
de Léon X, en 1513, et qui fut par ailleurs le premier
pape à affronter les foudres de Luther, que lon
doit le développement de cet humanisme pontifical.
Fondateur de lUniversité de Rome, protecteur
des langues orientales, il soutint ainsi lentreprise
éditoriale du vénitien Alde Manuce, qui publiait
en grec et en latin tous les grands classiques de lAntiquité.
Il fit fortement agrandir la Bibliothèque vaticane
à tel point quun corps dérudits
était nécessaire pour en prendre soin. Le
Collège grec fut ouvert dans la maison des Colocci,
au Quirinal, où une presse fut installée pour
imprimer des livres de textes et des scolies. Si le parainage
par Léon X du livre typographié relève
primitivement dune passion dérudit, il
néchappe pas à certaines considérations
politiques. Savoir imprimer en grec permettait en effet
denvisager de diffuser en Orient, des textes parfaitement
orthodoxes dun point de vue romain. En ce sens, Léon
X fut un précurseur de limprimerie de la Congrégation
de la Propagation de la Foi, dont la mission fut de diffuser
dans le monde chrétien des livres théologiquement
correct.
Une des productions les plus importantes des premiers typographes
étaient limpression dindulgences. Cest
ainsi que parmi les rares travaux quil soit possible
dattribuer à Gutenberg, on trouve des indulgences
dites à 31 lignes qui auraient été
imprimées en 1454. Signe des temps: Johann Luschner
imprima à Barcelone pas moins de 18.000 lettres dindulgence
pour labbaye de Montserrat pour le seul mois de mai
1498.
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