Claude Garamond

L’introduction du Romain en France

LA COMPOSITION d’une page à l’aide de caractères mobiles indépendants est à la base même du procédé d’impression. Les premiers imprimeurs fabriquaient eux-mêmes leurs propres poinçons, matrices et caractères. Soucieux de ne pas dépayser les lecteurs, ils imitaient les écritures calligraphiques dérivées de l’écriture gothique en usage alors : en France, lettre de somme pour les livres de théologie, de jurisprudence ou de médecine et lettre française pour les livres d’heures, les contes et les chroniques.

Le développement de l’activité typographique conduisit les imprimeurs à rechercher une lettre au dessin simplifié et uniformisé : ce sera le Romain. Ce caractère inventé par le franco-vénitien Nicolas Jenson, perfectionné par Francesco Griffo, le graveur de caractères du célèbre imprimeur humaniste Alde Manuce, repose sur le mariage des capitales lapidaires romaines pour le haut de casse et de l’écriture humanistique classique pour le bas de casse.

Cette lettre aux pleins et déliés allongés, aux empattements triangulaires, se substitua à la fin du XVème siècle à la gothique et s’imposa dans tous les domaines. Vulgarisé par Josse Bade dans les éditions d’auteurs latins, le caractère romain fut employé pour la première fois dans un texte en français lorsque Galliot Du Pré fit imprimer en 1519 chez Pierre Vidoue les Généalogies faictz et gestes des Saincts Pères Papes. Geoffroy Tory, futur imprimeur du roi, l’introduisit dans ses livres d’heures et le défendit vigoureusement dans son Champfleury (1529), ouvrage original dans lequel il étudiait la proportion des nouvelles lettres.

Parallèlement, se développa l’usage de l’Italique, ce caractère romain cursif et penché d’inspiration calligraphique, inventé par Francesco Griffo pour les éditions de petit format d’Alde Manuce. Simon de Colines l’adopta en France dès 1528 se basant, lui, sur les dessins de Ludovico degli Arrighi. Ainsi pour imprimer les textes nouveaux, la lettre s’est faite plus simple et plus lisible, plus élégante et plus harmonieuse.